Nous avons vu son étoile en Orient...
Epiphanie (Méditation : père Jacques Sevin -Extraits)
Repassons ensemble la merveilleuse histoire des Mages d’Orient : nous y trouverons , et le symbole de notre vocation, et le modèle de cette marche vers l’union divine, rêve et but de notre vie.Ces Sages de la Chaldée ont vraiment beaucoup de choses à nous apprendre : en tout petits serviteurs, comme nous le recommande notre père Saint Ignace. Emboîtons le pas à leur caravane, regardons, écoutons.
Pour trouver le Sauveur en sa crèche, de Bethléem n’ont eu que la vallée à traverser. Les Mages, eux, sont les premiers à avoir fait quelque chose de grand pour Jésus-Christ. Et leur « geste » est bien la première épopée des âmes qui ont voulu aller au Christ à travers tout. Cet esprit d’épopée, c’est celui de la Compagnie ou nous n’avons rien compris au Règne et à saint Ignace et cette allure épique, héroïque, c’est celle à laquelle nous devons mener le train de notre sanctification. Cette glorieuse aventure, celle des Mages – comment a-t-elle commencé ? Quelle que soit la manière dont ils aient acquis la certitude que l’étoile annonce Jésus, illumination intérieure, connaissance approfondie des prophéties, - rien n’a été fait tant qu’ils n’en sont pas arrivés un beau jour à cette décision : nous partons, vidimus – venimus. A l’origine donc : volonté de départ, - volonté de découverte. L'héroïsme n’a pas toujours d’éperons mais il n’a jamais de pantoufles – je veux dire par là – pas d’épopée sans risque à courir. J’aurais bien voulu être là-bas … dans leur ville de Chaldée ou Mésopotamie, le jour où les trois Mages ont commencé à faire charger leurs chameaux : les pasteurs
…. Les réflexions des gens censés …. Où allez-vous ? … quelque part … vers l’Ouest … mais qu’est-ce qui vous prend ? – Nous avons vu une étoile. Et alors ? – et alors cela veut dire ! Roi des Juifs et nous partons l’adorer. Comme cela ? Et quand reviendrez-vous ? Savons pas ! – On n’a rien dit – par politesse …ou « c’est bien risqué ! » Et quelque fut leur âge, soyez sûrs qu’il s’est trouvé des gens supérieurs, peut-être pas plus vieux pour dire en les voyant s’éloigner « ils sont bien jeunes ! ». Et ceux-là sont rentrés chez eux en s’estimant très intelligents. Evidemment, l’étoile ne les garantissait ni de la pluie, ni de la fatigue, ni des voleurs. Mais la foi leur donnait l’audace… -tant est qu’il y eût risque –0n n’ose pas. On n’ose pas croire totalement au surnaturel intégral, « évidemment – si on vit cela surnaturellement …. ! » On n’ose pas croire au pouvoir de la grâce, à la possibilité de passer d’une tiédeur relative à la ferveur vraie et totale. A la possibilité de la sainteté pour soi-même.- On n’ose pas y croire– Et on en a peur au fond. « où tout cela me mènera-t-il ? » - comme les braves gens de tout à l’heure « c’est bien risqué ! ». - je crois bien ! le risque de se voir demander - et offrir – par Dieu plus de sainteté, plus de voix, plus d’amour, qu’on n’osait en rêver ! Songez donc : si jamais nous allions devenir des saints, mais là, des vrais comme le Roi de l’Evangile ….Cela revient bien cher : nous n’avons pas les fonds nécessaires pour pareille expédition ! Imbéciles que nous sommes, qui n’osons pas miser sur la grâce et la Providence de Dieu. « Alors, qu’est-ce qui se passe ?"
Comme on ne veut tout de même pas renoncer d’avance, on se trace à soi-même sa petite route bourgeoise vers la perfection – on évite les virages brusqués, ceux-là précisément où la grâce nous attend, et où un coup de volant hardi, tournant vers le 3ème degré d’humilité, serait seul capable de nous faire monter d’un bond –et y éviter la dégringolade dans le ravin-
On n’ose pas prendre de fières initiatives- nous savons ce que le Seigneur a fait du serviteur qui n’avait qu’un talent – et qui n’a pas osé le risquer, l’aventurer !- c’est très vrai que la marche à l’Etoile, la marche vers la perfection, est une énorme aventure – qu’elle renferme bien des inconnues, bien des imprévus, que nous ne savons jamais en mettant le pied à l’étrier, jusqu’où, ni par quels chemins, nous emportera la grâce de Dieu – mais la sagesse consistera précisément à lui lâcher les rênes, celui qui « s’abandonne », qui se livre – c’est celui-là qui se conquiert pleinement pour le Bon Dieu – aventuriers de l’ « Amour divin » soit -Saint François d’Assise a bien voulu en être le fou ! – mais quels sont les aventuriers, « fatigués de porter leurs misères hautaines », ceux qui arrivent – ceux qui font leur fortune éternelle ? Ce sont ceux qui ne tiennent à rien – rien à perdre – tout à gagner – Ainsi nous, nous ne laissons rien derrière nous…Il n’y a pas d’épopée si l’objectif est à courte portée, à brève échéance, et ne comporte que des risques moyens. Risques inconnus… aller voir Hérode à qui il n’eût rien coûté de les supprimer… L’enjeu était de taille : trouver le Roi des Juifs, le Messie attendu, et ce n’était pas peu de chose que de découvrir Jésus !
Et pour nous donc ? Oui certes l’entreprise est assez longue. - Il y faudra notre vie –elle exigera tout le sang de notre cœur et assez haute, Seigneur, puisqu’elle nous mène à Vous. Et la marche de l’Etoile de tous ceux qui ont décidé une bonne fois de se mettre en route et de ne s’arrêter que l’lorsqu’ils auront trouvé l’Enfant et sa mère, c’est-à-dire la Sainteté. De ceux-ci, nous en sommes, par la grâce de Dieu ! et aux heures lourdes où la grande route nous paraîtra bien longue et bien monotone, aux heures sombres où les tentations se déchaîneront en tempête, aux heures creuses de la nuit où il semblera que Dieu ne nous parle plus au cœur, il nous restera cette étoile de notre vocation, assez lumineuse pour nous guider, assez rayonnante pour nous attirer toujours plus loin dans le sacrifice et dans l’Amour, et nous faire rectifier l’allure et remboîter allègrement le pas à la grâce, en chantant :
"Que Dieu est grand
Et qu’il est magnifique d’être né,
Non, notre joie n’est pas finie
Et demain est plus beau encore ! " Claudel